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L'histoire de mes transitions de vie professionnelle

 

Régulièrement, il m'arrive d'être sollicitée pour témoigner de mon parcours professionnel et des transitions que j'ai effectuées : du droit à la méditation de pleine conscience, du CDI à Free Lance.

Voilà ce que je raconte.

 

Ma première transition : passer d’un poste fixe à une poste « nomade » ou comment, de directrice juridique en CDI, je suis passée à manager de transition

Jusqu’en 2011, j’étais en poste fixe, cadre dirigeant, dans une grande entreprise. Je commençais déjà à avoir envie de changement car de manière diffuse je sentais que je ne correspondais pas au référentiel classique pour ce genre de poste (voir plus bas).

 

A la faveur d’un « remaniement ministériel » (en d’autres termes du comité exécutif !), j’ai quitté mon poste, l’entreprise, et ai commencé à réfléchir à ce dont j’avais envie, dans le cadre d’un outplacement.

 

Cet outplacement a été une véritable bouffée d’oxygène pour moi : j’ai rencontré des personnes d’horizons et secteurs différents, avec des expériences différentes, des fonctions diverses et variées … Bref, je sortais enfin du milieu professionnel dans lequel j’avais navigué pendant plus de 15 ans et qui commençait à me peser. Je me souviens à quel point cet accompagnement m’a fait du bien, ouvert et aéré l’esprit.

 

La consultante qui me suivait m’a soutenue durant toutes mes lubies ! J’ai ainsi exploré la possibilité de me reconvertir dans le milieu de la musique (j’ai toujours dit que mon karma, ma destinée, était d’être un jour chanteuse de rock !), dans la tech, le spectacle … et j’en passe.

Rétrospectivement, je pense que j’avais besoin de me sentir libre de mes choix après des années professionnelles contraignantes : contraintes de la matière - le droit, contraintes de la fonction - la direction juridique …

 

Quand bien même je n’ai pas cheminé très loin dans ces investigations, elles m’ont permis d’oser : oser demander à être reçue par des personnes que je ne connaissais pas mais avec qui j’avais été mise en contact, oser demander des conseils, oser demander des recommandations, de nouveaux contacts …

En d’autres termes, oser mettre en application les techniques de networking que l’on apprend quand on recherche un nouvel emploi (et qui me seront utiles ensuite tout le long de mon parcours).

J’en ai appris que, bien appliquées et structurées, ces techniques sont très puissantes. J’ai également appris que la plupart des gens sont bienveillants et que grâce à cette bienveillance, on peut aller loin dans la démarche.

Quelle révélation, quel plaisir dans cette découverte … moi qui sortait d’un contexte politique de bataille de territoires, de pouvoirs et d’égo !

 

Et puis un jour, alors que je piétinais un peu dans mes réflexions, j’ai été contactée par un cabinet pour faire une mission de management de transition.

Au cours de l’outplacement, je m’étais rapidement penchée sur le management de transition mais en avait compris qu’il était réservé aux fonctions de direction générale ou de direction financière.

Ce contact m’a prouvé que non : le management de transition peut s’appliquer à toutes les fonctions de l’entreprise.

J’ai accepté la mission ... par curiosité. Elle durait 6 mois, je pouvais bien tenter l’aventure !

Et j’ai eu raison : le management de transition m’a plu.

 

Je me suis sentie comme une voyageuse : voguant de missions en missions, d’entreprises en entreprises, voyant toutes sortes de fonctionnement et d’organisations, rencontrant toute sorte de gens …

Ce que j’ai aimé dans ce mode de fonctionnement, c’est de travailler en mode « projet » plutôt qu’en mode « intégration ». Alors exit les jeux de pouvoirs, les égos à flatter et les susceptibilités à protéger. Je me suis sentie avoir les mains plus libres pour accomplir ce qu'était ma mission, avoir également une plus grande liberté de paroles, d’actions … permettant indéniablement une meilleure efficacité.

Je touchais également aux fonctions de conseil et à l’accompagnement.

J’y trouvais donc mon compte dans cette transition : je continuais d’exercer mon métier (le management de fonctions juridiques) mais d’une façon différente. Bon compromis quand on a peur d’une transition radicale (voir « mes peurs » un peu plus bas).

 

Ces années de management de transition m’ont également permis de comprendre que je pouvais vivre sans CDI, qu’il y avait toujours une mission pour moi quelque part du moment où je me mettais en mouvement pour prospecter, que la prospection ressemblait beaucoup au « networking » appris pendant l’outplacement, que les périodes d’inter-missions étaient l’occasion de faire autre chose et de nourrir mes centres d’intérêt.

 

Mais à force de voyager dans le monde des entreprises, j’ai aussi vu beaucoup de choses qui ne m’ont pas plu : la souffrance au travail, le management à l’ancienne, les organisations dysfonctionnantes …

 

Je me suis également lassée de mon travail de juriste. Tenter de faire appliquer des mille-feuille normatifs qui n’ont plus de sens et bien souvent se contredisent m’a fait perdre le sens de mon travail. J’en ai eu assez d’être l’empêcheuse de tourner en rond, le centre de coût (ce que les réglementation me faisaient devenir inévitablement). J’en ai eu assez de produire des contrats tellement épais pour des raisons de protection de l’autre partie qu’ils ne sont pas lus (on m’expliquera où est la protection ?), qu’ils ne participent qu'au train de vie des avocats et à la raison d'être des autorités administratives ...

 

Petit à petit, mes missions me pesaient. Et la dernière a été difficile.

Parfois je me demande dans quelle mesure je n’ai pas accepté cette mission sachant les conditions qui m’attendaient ... pour arriver au pied du mur et m’obliger à repenser la suite de la vie professionnelle.

 

J’ai alors (enfin) pris la décision qu’il était temps que je cesse d’accompagner la transition des directions juridiques et que je fasse ma propre transition !

Le temps de la réflexion

Je me suis alors donné un an pour trouver une autre voie.

J’ai commencé par m’inscrire et participer au programme d’accompagnement collectif à la quête d’un sens professionnel, le programme « Fais le Bilan » de Switch Collective.

Je n’avais pas envie de repasser par l’outplacement ou par un accompagnement individuel classique. Je sentais que j’avais besoin de quelque chose de différent, de collectif, de jeune et de dynamique. Ça a été le cas.

 

Pendant 2 mois, tout a été remué : mes idées, mes compétences, mes traits de caractère, mes expériences, mes jugements, mes jeux favoris quand j’étais enfant ...

J’ai aimé le côté collectif de ce programme qui fait qu’on ne se sent pas seul, qu’on s’aperçoit que d’autres aussi sont en quête de sens dans leur travail … certains d’ailleurs très tôt dans leur vie professionnelle.

Je dirais que l’âge moyen du groupe était autour de 30 ans et qu’il devait y avoir beaucoup d’HP, zèbres et autres surdoués.

 

Aujourd’hui, j’anime régulièrement des ateliers de méditation à Switch Collective et j’ai toujours la même impression.

 

J’ai aussi aimé les challenges du programme pour penser en dehors de son cadre de référence: j’ai ainsi appris à danser comme Beyoncé un samedi après-midi, j'ai été flotter en silence dans un caisson d’eau salée, j'ai participé à un atelier de collages créatifs ...

 

Mais ce que j’ai intégré par-dessus tout c’est le concept d’aller tester les métiers/les secteurs d’activité auxquels on pense afin de voir si notre idée relève du fantasme ou de la vraie envie.

 

J’ai ainsi participé à l’Université du Bonheur au Travail à l'initiative de la Fabrique Spinoza pour investiguer le domaine de la Qualité de Vie au Travail.

Je suis allée passer plusieurs jours dans un lieu de stage de bien être en Normandie pour comprendre les enjeux et la viabilité d’un tiers lieu.

Je me suis enfin faite embaucher un an en tant que chauffeur de 2CV dans Paris pour explorer le domaine du tourisme. Le plus bizarre dans cette dernière expérience a été la première fois que l’on m’a donné un pourboire ou alors quand j’ai animé un atelier « pétanque » lors d’un rallye 2CV organisé par mon ancienne entreprise !

 

Au cours de ce périple expériencielle, je suis également partie une semaine en retraite de méditation en silence, pour laisser reposer toutes ces idées que je remuais tous azimuts …

 

Et puis petit à petit, au fur et à mesure que j’investiguais le domaine de la QVT, j’ai eu le sentiment que beaucoup de techniques de ce domaine reposaient sur la pleine conscience. Quand je me suis penchée sur l’intelligence émotionnelle, la psychologie positive, la communication non-violente ou assertive, le co-développement, je me disais que je connaissais déjà la plupart des fondements de ces techniques de par ma pratique de la méditation et de la pleine conscience.

 

Et c’est alors que l’idée d’apprendre à instruire la méditation de pleine conscience a germé dans mon esprit (je dois avouer que ce n’était pas la première fois que cette idée pointait le bout de son nez mais je l’avais toujours ré-enfouit). Après tout, je pratiquais la méditation depuis des années (je raconte la façon dont j’ai rencontré la méditation dans un autre post), je croyais en ces pouvoirs transformateurs puisque je les avais expérimentés moi-même … Alors pourquoi pas l’enseigner dans le cadre de l’entreprise ?

Ma deuxième transition : devenir coach/instructrice de méditation de pleine conscience

Je me suis alors lancée dans le parcours de formation d’instructeur (c’est le terme utilisé dans le milieu) de méditation de pleine conscience :

- j’ai appris à enseigner le programme MBSR mis au point par Jon Kabat Zinn (et popularisé en France par Christophe André),

- je suis allée suivre le programme « Search Inside Yourself » initialement mis au point au sein de Google et externalisé depuis par Chade-Meng Tan

- et j’ai passé le DU de la faculté de médecine de Strasbourg intitulé « Médecine, Méditation et Neuroscience » crée par Jean Gérard Bloch (ouvert aux médecins et personnel de santé mais aussi, au compte-gouttes, à d’autres professions).

 

Dans le même temps, j’ai construit ma présence sur internet, prospecté les entreprises (toujours avec les mêmes techniques apprises presque 10 ans plus tôt) … et commencé à animer mes premières séances de méditation.

J’ai d’abord commencé dans les entreprises, de manière ponctuelle, puisqu’elles étaient ma cible de départ. Mais petit à petit je me suis tournée aussi vers les particuliers, en animant des séances de méditation hebdomadaires puis en enseignant mon premier programme MBSR.

Mes peurs, mes sacrifices, mes regrets : les sujets sur lesquels  je suis souvent interrogée lorsque j’évoque mes transitions

Des regrets ?

Commençons par les regrets … Je n’en ai pas !

Tout d’abord parce que j’ai fait des choix en pleine conscience (ça tombe bien !) qui correspondent à mon parcours de vie au moment où je les ai faits.

Ensuite parce que la pratique de la pleine conscience et de la méditation m’a permis de comprendre que les regrets ne servent à rien : on fait des choix en fonction de circonstances à un instant T ou à une période P, choix qui sont alors légitimes. Le fait que ces choix peuvent ne pas mener in fine là où je souhaite ne remet pas en cause, selon moi, leur bien fondé au moment où je les ai faits.

Et comme on ne peut pas revenir dans le passé, les regrets ne servent strictement à rien. Il vaut mieux en tirer des leçons et refaire des choix en fonction de ce que l’on a vécu. Après tout, en route on aura toujours appris quelque chose qui nous aura enrichi.

Les sacrifices

Les sacrifices, oui, il y en a … indéniablement en termes de train de vie ! Quand on passe d’un salaire de cadre dirigeant ou d’honoraires de manager de transition à la rémunération d’enseignante de méditation qui démarre, il y a ... un gap !

Je le savais et je m’y étais préparée.

Tout d’abord en mettant de l’argent de côté et en recourant à un gestionnaire de patrimoine quelques années avant le grand saut … Car je savais qu’un jour je ferai ce grand saut et qu’il faudrait que je sois prête.

 

Par ailleurs, la pratique de la méditation de pleine conscience (même avant que je devienne instructrice) avait commencé à me faire sortir des schémas imposés de la société de consommation, à faire des choix éco-responsables, à aller vers « la sobriété heureuse » (comme en parle Pierre Rabhi dans son livre éponyme), le minimalisme.

Ne plus avoir de salaire ou d’honoraire a accéléré ces choix, tout en me donnant un sentiment de liberté inestimable : en même temps que j’ai perdu en pouvoir d’achat, je me suis enrichie en temps pour prendre soin de moi, de ceux qui m’entourent et de la planète !

 

Il peut m'arriver d'avoir une pointe d’envie lorsque mes amis, mes ex-collègues me parlent de leurs voyages au bout du monde, de leurs vacances dans des endroits paradisiaques … mais je me souviens bien vite que pendant qu’ils "triment" le reste de l’année, moi je prends le temps de faire du sport, du yoga, d’aller voir des expos, de passer du temps avec mes enfants (même grands) et mes amis, de partir en retraite de méditation ou en formation, d’organiser mon temps comme je le veux (quand je le peux … La contrainte « client » reste quand même présente !) … et d’avoir fait le choix d’une activité professionnelle qui a un sens … en tout cas pour moi.

Mes peurs

Enfin venons-en aux peurs …

J’en ai eu beaucoup lorsque j’ai quitté mon CDI lors de ma première transition. Je me suis accrochée à ce poste pendant deux ans alors que tous les voyants me signalaient que je n’avais plus ma place dans l’entreprise. J’étais tétanisée à l’idée de quitter mon poste et de faire autre chose : forcément ça n’allait pas bien se passer, j’allais échouer, ne plus avoir d’argent, j’allais devoir vendre l’appartement et au final j’allais finir sous les ponts et mourir de faim, de froid, abandonnée de tous …

 

J’utilise souvent l’image d’avoir eu l’impression d’être accrochée au bord d’une falaise, les pieds dans le vide alors que quelqu’un m’écrasait les doigts pour que je lâche prise, mais je refusais de desserrer, imaginant que sous mes pieds il y avait un gouffre sans fond, dans lequel j’allais tomber, que la chute allait être longue et forcément fatale !

Et vous savez quoi ? Grande révélation quand j’ai finalement lâché prise (j’en avais assez de me faire écraser les doigts … ça fait trop mal !) : le sol ne se trouvait qu’à quelques centimètres de mes pieds et il était sablonneux. J’ai donc atterri en douceur et pu repartir sur de nouveaux chemins, les douleurs en moins !!

 

Et puis j’ai commencé à méditer de manière régulière et approfondie : j’ai alors compris le mécanisme de mes peurs, j’ai appris à les repérer et à ne plus me laisser envahir par elles, ou moins …

Et cela m’a été très utile lorsque j’ai entamé ma deuxième transition, qui, de ce fait, a pu être plus « radicale ». Mes peurs sont venues me rendre visite mais là, les choses ont été différentes.

 

La peur a une utilité : celui d’assurer notre survie, de ne pas faire n’importe quoi. Si j’avais eu « même pas peur », j’aurais pu prendre des décisions irresponsables (comme étrangler certains commanditaires de ma dernière mission !!) ce qui auraient compromis ma transition (aller en prison pour cause d'homicide ?).

J’ai donc écouté ma peur et préparé ma période de réflexion, en m’inscrivant au programme « Fais le bilan » de Switch Collective, en réorientant quelques économies dans un bien locatif pour m’assurer un (tout petit) revenu … en cas de traversée du désert, etc.

 

Et pour le reste, pour la partie du message qui fait qu’« on va tous mourir », je l’ai laissé de côté. C’est normal d’avoir cette peur, c’est normal qu’elle vienne me rendre visiterégulièrement mais j’ai décidé de poursuivre mon chemin.

Elle continue de me rendre visite notamment pour des questions de retraite (avec mon parcours, je ne suis pas sûre de ce que sera la montant de ma retraite) pour des questions de financement des études de mon dernier enfant qui ne sont pas finies … Je la salue, l’accueille, je prends le thé avec elle, et on papote :

« alors que devrais-je faire ? Reprendre mon ancien job bien payé mais qui me rend profondément malheureuse et m’a fait frôler le burn out ? Allons, allons … Et pourquoi ma nouvelle activité ne me permettrait pas dans l’avenir de gagner suffisamment ma vie (surtout quand on sait que j’ai revu mes prétentions à la baisse) pour être sereine quant à la fin des études de mes enfants et ma retraite … Pourquoi faut-il que ce soit le scénario catastrophe qui prime ? Après tout, l’histoire et l’expérience m’ont prouvé qu’à partir du moment où j’avance de manière rationnelle et organisée les choses se déploient et se mettent en place.

Merci de vouloir me protéger, ma peur, mais point trop n’en faut. Je dois aussi écouter mon optimisme et voler de mes propres ailes ».

 

Je ne dis pas que je maîtrise tout non plus et que chacun de mes pas est calculé. Il arrive que je prenne des risques, surtout lorsque je me sens bloquée . J’utilise une autre métaphore pour décrire cela : « je jette mon sac par-dessus le mur ! »

Cette métaphore vient du livre « l’apprentissage du bonheur » de Tal Ben Shahar : la vie peut être comparée à un chemin que l’on parcourt sac au dos, et il arrive à certains moments que l’on arrive au pied d’un mur qui nous bloque et le passage et la vue.

Plusieurs possibilités s’offrent alors à nous : rester et piétiner au bas du mur, rebrousser chemin ou … jeter son sac par-dessus le mur. Dans cette dernière option, on se retrouve contraint de trouver un moyen pour escalader le mur pour retrouver son sac et continuer son chemin.

Et bien dans mon chemin de transition, il m’est arrivé plusieurs fois de jeter mon sac par-dessus le mur, en d’autres termes d’oser alors que rien n’était moins sûr mais avec l’intime conviction que sinon, j’allais rester un moment à piétiner, hésiter, procrastiner. Une fois mon sac lancé, j’ai été obligée de me mettre en mouvement et d’assumer l’action que j’avais initiée.

 

Une des devises que j’utilise avant de lancer mon sac, c’est « au pire, ça marche ! »